Bien loin du bruit des villes
Bien loin du bruit des villes, de l’émoi des cités,
Loin des trains qui défilent, de la mendicité.
Royaumes de solitude, où abonde le stress,
Où meurt la gratitude, où tout le monde se presse.
Où citadins serviles, dans leur médiocrité,
Attendent, font la file, dans la promiscuité.
Tous ces grands dépensiers, qui d’acheter n’ont de cesse
Pour se différencier, écument les mêmes adresses.
Glorifiant des babioles, vues en publicité,
Ces possessions frivoles tellement plébiscitées
Au détour d’un récit, ou d’une page de presse.
Acheter à crédit, est-ce preuve de richesse ?
Bien loin des métropoles et de l’ennui du bagne.
De tous les protocoles, des circuits de la gagne,
Je chéris la campagne, où suffit mon obole.
Au pays de cocagne, nul besoin de pactole.
Foule effervescente
Foule effervescente, tumulte des badauds
Le pied d’une passante a touché mon château.
De la houle croissante, accouchée des bateaux
Aux ondes incessantes à coucher les châteaux.
Mes royaumes périclitent, ont perdu leurs donjons
Réduits en microlithe quand vint l’heure du plongeon.
Un passant, et puis cent piétineront mes forts.
Je regarde, impuissant, s’évanouir mes efforts.
Ces palaces passables, à demi démolis
Par les flots inlassables, se trouvent ramollis.
Mes palais impalpables par la marée meurtris.
Édifices effaçables, aplatis, aplanis.
La montée immuable qui le sable assaillit
Démolit, imparable mes nobles cafouillis.
Et de son bal ayant relavé les ravages
Rebrousse en balayant, révélant le rivage.
Une bouteille à l’amer
Aux confins de l’azur,
Vit un prince insulaire.
Seul maître à bord, menait
Une vie bien austère.
Son palais, une masure,
Au bas mot, séculaire
Qui par mystère tenait
Étonnamment entière.
Qu’il fut triste ce sire,
Condamné solitaire,
Gagné par l’amertume,
Souffrant les plus grands maux.
Cherchant à adoucir
Ses journées routinières,
Il se mit à la pêche,
Comme pris d’un élan.
Aidé par une sèche
Ainsi qu’un goéland
Lui prêtant encre et plume
Il coucha quelques mots.
Ces souhaits qui le taraudent
contre le sel n’auront
qu’un fourreau d’émeraude
pour seule protection.
La missive sera sèche,
Bien qu’il soit indolent,
On peut croire que Neptune
Ménagera le goulot.
L’invitation souveraine
Par la marée portée
Cherche en vain une reine
Flânant à sa portée
Et toi, à l’autre bout
Du monde, tu attends
Qu’arrive tout à coup,
Son message flottant.
Clair de Gibbeuse
Marchant pieds-nus, sur la plage,
D’un pas léger, presque planant.
Du sable tu fais ton apanage,
Comme portée par un palan.
Là, au plus près des vagues,
Comme si mûe par le vent,
Tu sautilles, tu divagues,
Jusqu’au prochain soleil levant.
Je distingue ta silhouette,
À contrejour de la Gibbeuse,
Enchaînant roues et pirouettes,
Quelle fantaisie délicieuse.
Et l’écume, épaisse, sirupeuse,
D’une blancheur un peu nacrée
Reflète ton ombre enjôleuse.
Et ton allure, presque sacrée.
Le chant des flocons
Ô tourbillons de neige,
Scintillons de la nuit
Tournez ô beau manège,
Dansez après minuit.
Dissolvez donc mon spleen,
Desseins atmosphériques
Vous avez discipline,
Vaccins géométriques.
Si tant est que le vent
Puisse vous jouer musique
Et le jour se levant
Me rendre amnésique.
La faim du loup
Rien à se mettre sous la dent,
La meute était aux abois.
Banquet sylvestre décadent,
Famine mena hors du bois.
Cette bande de loups affamés,
Invraisemblable défilé,
Sonda les faubourgs malfamés.
Y quêtant met à s’enfiler.
L’un d’eux un chiot aperçu.
Des écoliers se languissant.
Jusqu’au cabot, inaperçu,
Il parvint à se faufiler.
Il a engamé le caniche,
Jusqu’au collier l’engloutissant.
Fut amalgamé à la niche,
Quand il aurait voulu filer.
Eut-il fallu qu’il s’en repaisse
Jusqu’à c’qu’il eût gobé la laisse ?
L’équilibriste du temps
Avance, petit funambule
Chancelant comme un débutant
Projeté là sans préambule,
Sur le fil infini du temps.
Avance, petit somnambule,
Bien que le noir soit rebutant.
À pas comptés, tu déambules
Vers l’inconnu, crapahutant.
Défais-toi donc de tes œillères,
Mais ne regarde point derrière,
Ne risque pas ton équilibre.
La vie est une course folle,
Une amusante farandole
Dont un matin tu seras libre.
La goutte de sang qui fit déborder son coeur
La blancheur de ses nuits
S’écrit sur son visage
Elle qui parfois lui nuit
Lui fait remplir des pages.
Abreuve son marqueur
La goutte de sang qui
Fit déborder son cœur,
Dont personne ne s’enquit.
Il a connu le pire,
Son pauvre palpitant
Et aujourd’hui soupire,
N’en demandant plus tant.
Elle rend son œil hagard,
Semble comme un nuage
Effaçant son regard,
La noirceur des mirages.